Des invites à écrire des textes courts que pouvez envoyer pour qu’ils soient partagés sur cette page. Il ne sera pas fait de retour sur vos textes.
4 – Octobre 2024 : voici un incipit, un début de récit dont vous écrivez la suite : En dépit d’un automne pauvre en changements, de ces bourrasques qu’on attend en cette saison, il partit cueillir des champignons dans la forêt au pied de la montagne rouge.
3 – Juillet 2024 : ce mois-ci, au rythme probablement ralenti de la saison des bains, des randonnées, des siestes, des étirements des corps en long, en large et en travers, vous allez œuvrer dans la longueur, dans la durée. Vous allez plonger dans une de vos rengaines, une de vos obsessions, une de vos marottes, une de vos lubies, un de vos passe-temps favoris. Cela est laissé à votre libre-arbitre. L’important est que cette pratique, comme je la nomme, soit une entité qui ait une existence, dans votre vie, presque aussi longue que la vôtre. Vous allez peut-être explorer la confrontation avec une part de vous-même, enfouie, consciente, dissimulée, assumée. Cela ne regarde personne d’autre que vous et cela ne constitue pas et en aucun cas une observation de votre psychê. Car ce qui s’invite ici, c’est que vous allez transformer, métamorphoser – puisque vous écrivez, vous créez, donc vous opérez un changement sur les choses – un endroit en vous qui vous accompagne depuis longtemps.
Reprenons ces vers de Chen Li, poète taïwanais :
avons dormi ensemble
Cartes postales pour Messiaen, éditions Circé.
aux longues et sombres époques préhistorique et antique et nous sommes soudain réveillés
à la lumière de la modernité
Dans ces vers libres, plusieurs personnes dorment, et elles traversent les âges par un sommeil extrêmement long, inhabituel – est-ce la mort ? Elles ont fait un bond temporel et se réveillent à l’aune d’une ère qui est nouvelle, pour elles, nouvelle en tant que moderne. Voilà comment je vous invite à procéder :
Choisissez à votre tour votre pratique.
Étendez les possibles lexicaux et sémantiques de celle-ci en écrivant un essai, un prétexte qui débutera par : C’est mon sujet, de toute éternité.
Afin de dompter cette pratique, de l’étoffer, de la poétiser, de la narrer, revenez-y plusieurs fois à des intervalles variés.
Deux axes :
- vous conservez un texte à la façon d’une énumération, d’une liste
- vous tordez ce texte initial en poème en vous calant sur les temporalités de Chen Li.
2 – Juin 2024 : Truman Capote (1924-1984) était un homme plein d’esprit, fantasque, précieux, un tantinet snob et parfois d’une cruauté délicieuse. Il a laissé son autoportrait. Saurez-vous vous prêter à ce jeu menteur autant que sincère ? Voici les questions et les réponses qu’il a apportées.
AUTOPORTRAIT PAR TRUMAN CAPOTE
Q : Si vous deviez vivre en un seul endroit et sans jamais le quitter, quel serait-il ?
R : Mon Dieu, quelle idée affolante ! Être attaché au sol, en un point unique. Si j’étais vraiment obligé de choisir, je dirais : New-York.
Q : Aimez-vous mieux les animaux que les êtres humains ?
R : Je les aime à peu près autant. Pour le reste, j’ai souvent pensé qu’il y a quelque chose de sournoisement cruel chez ces gens qui ressentent plus de sympathie pour des chiens ou des chats que pour les hommes.
Q : Quelles qualités recherchez-vous chez un(e) ami(e) ?
R : Avant tout, il ne doit pas être stupide. Il y a des personnes, une ou deux dans ma vie, que j’ai aimées et qui étaient stupides – très stupides même – mais c’est là toute autre chose. On peut être amoureux de telle ou telle personne sans se sentir le moins du monde en communication avec elle.
Q : Êtes-vous quelqu’un de véridique ?
R : Véridique, oui, en tant qu’écrivain. Certains de mes amis pensent que dans ma façon de rapporter un fait, un événement passé, j’ai tendance à trop modifier le modèle, trop le travailler. Mais j’appelle ça tout simplement faire que cette chose « revienne à la vie ».
Q : Si vous n’aviez pas décidé d’écrire, qu’auriez-vous choisi ?
R : J’ai souvent pensé que j’aurais fait un remarquable avocat de la défense.
Q : Appréciez-vous une forme quelconque d’exercice ?
R : Oui. Les massages.
Q : Savez-vous faire la cuisine ?
R : Pas pour les autres. Et pour moi, ce sont toujours les mêmes choses que je me fais : des biscuits avec de la soupe à la crème de tomate ; ou une pomme de terre au four, farcie de caviar frais.
Q : Quel est dans toutes les langues, le mot le plus chargé d’espoir ?
R : L’amour.
Q : Et de périls ?
Q : L’amour.
1 – Avril 2024 : à partir des titres des nouvelles du recueil Rêves de Femmes de Virginia Woolf. Ce recueil est traduit et édité par Michèle Rivoire, il est édité en Gallimard folio classique n° 6424, recueil paru en 2018. Ces nouvelles sont précédées d’un essai Les femmes et le roman, essai de Woolf qui est traduit par Catherine Bernard. Voici les titres de ces nouvelles :
- Un collège de jeunes filles vu de l’extérieur
- Une société
- Dans le verger
- Moments d’être : « Les épingles de chez Slater ne piquent pas »
- Lappin et Lapinova
- Le Legs
Les nouvelles de ce recueil sont brèves, particulièrement la nouvelle qui s’intitule : « Un collège de jeunes filles vu de l’extérieur » qui fait six pages. Mais, surtout, ces nouvelles portent des titres, des noms, qui les font exister même lorsqu’on ne les a pas lues. Le titre contient beaucoup. Ce qui va être souligné là est l’importance, la potentialité du titre. Les titres formalisent déjà quelque chose dans l’esprit, de manière consciente ou inconsciente. Ils donnent une impression de…, ils font exister (une ambiance, un lieu, un personnage, une action). Et ces titres soulèvent le coin de l’imagination. Les possibilités en termes d’image visuelle et en termes d’image poétique, littéraire, affluent.
Telle est ma proposition : choisissez un titre parmi les six cités plus haut. Arrêtez-vous dessus, longuement, avec concentration, attention. Notez les termes, les phrases, les impressions, les interrogations qui viennent à vous. Refermez cette parenthèse liminale. Laissez reposer quelques heures ou quelques jours. Revenez à votre « brouillon de mots » où le bouillonnement a fait son œuvre. Avec un regard neuf, vous repérez des mots, des phrases qui vous offrent alors la possibilité d’écrire un texte dans lequel vos « impressions » premières dirigent. C’est fondateur, comme mouvement, que l’impression. Gardez-la : développez-la. Soit à la manière d’un texte en prose, soit à la manière d’un texte en poésie, ce que vous souhaitez. Faites fructifier cette impression première parce qu’elle mérite que vous vous y attardiez.